Commençons par une présentation des lieux. Ces îles polynésiennes sont des îles hautes volcaniques et tropicales. Il s'agit d'anciens volcans marins inactifs, qui s'enfoncent très lentement dans l'Océan Pacifique, et sont érodés par les vents et les pluies diluviennes. Il en résulte un relief très tourmenté, fait de crêtes acérées, de pentes vertigineuses et instables, et de vallées très encaissées comportant parfois d'étroits canyons. L'île de Tahiti est la plus montagneuse avec un sommet, l'Orohena, culminant à 2241 mètres d'altitude, ce qui est très impressionnant en comparaison de la petite surface de l'île, à peine plus de 1000 km2, ce qui représente, pour ceux qui connaissent la Provence, à peu près l'étendue de l'agglomération marseillaise. Cette spécificité du relief explique à elle seule la grande difficulté que rencontrera le randonneur voulant quitter les vallées pour s'élever sur les plus hauts sommets. Difficulté qui est grandement augmentée par l'état des chemins, qu'on ne peut pas à proprement parlé désigner de la sorte. En effet, les "chemins" de Tahiti et de Moorea ne sont pas entretenus comme en France, et la nature y reprend très vite ses droits après le passage d'un groupe de randonneurs. Voilà donc une deuxième difficulté qui se présente au randonneur : trouver son chemin pour parvenir à l'endroit qu'il s'est fixé, sans se perdre, et ouvrir le cas échéant l'itinéraire, c'est à dire tailler dans la végétation à coups de "coupe-coupe" afin de pouvoir passer. Il devient alors évident que pour les gens qui découvrent la randonnée polynésienne, le recours à un guide expérimenté, professionnel ou non, est indispensable. Enfin, le climat. Ce qui surprend le plus le métropolitain fraîchement débarqué pour la première fois sur le tarmac de l'aéroport de Tahiti-Faa'a, c'est l'atmosphère étouffante qu'il respire juste après avoir passé la porte de l'avion climatisé. En montagne, cette chaleur lourde et humide est physiquement épuisante pour un organisme qui n'y est pas encore habitué, d'autant plus lorsqu'il s'agit de porter sur son dos un sac d'une vingtaine de kilos ou plus, nécessaire pour "survivre" plusieurs jours en montagne (Quelques conseils pour bien faire son sac et ne rien oublier sont donnés par les responsables de "Te Fetia" au début du programme des randos).  Bref, une condition physique irréprochable est obligatoire lorsqu'on projette de s'élever sur les crêtes du "Fenua" (la Terre en tahitien). Un exemple : j'ai un jour assisté à la défaillance d'un marathonien pourtant entraîné, lors d'une bonne grimpette de deux heures en plein soleil... Le sac était sans doute trop lourd pour lui ce jour-là. Il a fallu le faire raccompagner chez lui avant de pouvoir continuer la balade. Ceci illustre bien la difficulté de cette activité physique de randonnée en Polynésie, qui nécessite un entraînement spécifique et régulier pour éviter ce genre de pépins physiques qui peuvent bien-sûr être très graves.

Un autre aspect de la randonnée en Polynésie française concerne les droits de passage sur les différentes propriétés visitées... En effet, contrairement aux espaces naturels publics qui sont très majoritaires en métropole, que ce soit en forêt ou en montagne, il n'en est pas de même en Polynésie, où toutes les terres, ou presque, appartiennent à des propriétaires privés, même en haute montagne. Citons tout de même un contre exemple : la vallée Te Faaiti dont la rivière est un affluent de la Papenoo, qui est un parc naturel territorial aménagé et protégé par le Ministère de l'Environnement de Polynésie française. Un exemple à suivre ! Ailleurs donc, les propriétés sont privées. Et les propriétaires sont souvent nombreux sur l'itinéraire d'une randonnée. Il est donc quasiment impossible de demander une autorisation de passage à tous les propriétaires, qu'on ne connait d'ailleurs pas la plupart du temps. Il est par contre bien venu de prévenir un propriétaire connu et identifié qui habite sur le terrain traversé : prenons l'exemple de Gérard, propriétaire d'une partie de la vallée d'Orofero, et qui habite dans la dernière maison rencontrée en s'enfonçant dans la vallée : celui-ci sera très heureux de vous saluer et de vous autoriser à randonner sur ses terres et celles des autres propriétaires de la vallée, alors qu'il sera furieux si vous essayer de passer inaperçu, comme des voleurs... Mettez-vous à sa place. Ceci étant dit, dans beaucoup d'autres cas, vous pourrez vous engager dans les vallées ou sur les crêtes du Fenua sans problèmes et sans rien demander à personne. D'autant plus qu'aucun terrain n'est clôturé en montagne. Signalons pour finir que l'accès à certaines vallées est soumis au règlement d'une petite redevance. C'est le cas de la vallée de la Fautaua, qui est gérée par la SPEA (Société des eaux de Papeete) : vous devrez payer un modique droit de passage à la mairie de Papeete. C'est également le cas de la vallée de la Punaruu, qui est gérée par l'association des cueilleurs d'oranges : le droit de passage est à acquitter à la mairie de Punaauia.

Pour finir, il convient de rappeler au randonneur quelques règles de bonnes conduite à ne pas oublier lorsqu'on évolue dans un milieu naturel fragile et aussi riche que celui des îles polynésiennes. Cela va sans dire, mais ça va mieux en le disant... Tout comme en métropole, vous rentrerez avec tous vos déchets, en ne laissant derrière vous aucune trace mis à part celle du sentier qui aura été débroussaillé. Vous ne ferez pas de feu dans les endroits arides ou lorsque le vent pourrait faire s'envoler des brindilles incandescentes. Vous éviterez ainsi de causer un incendie ravageur, comme ont pu le faire des gens peu scrupuleux au sommet de l'Orohena il y a quelques années, incendie qui ravagea une grande partie de la végétation endémique et qui rendit inaccessible le toit de la Polynésie pendant plusieurs années à cause de l'instabilité engendrée, jusqu'à ce qu'une chaîne permettant de s'assurer lors de l'ascension soit installée. A noter que ces gens dont nous tairons le nom auraient dû, de par leur fonction, se montrer un peu plus intelligents et responsables que cela... Comme quoi il est toujours bon de rappeler les fondamentaux, et à tout le monde. Vous éviterez également d'emmener votre chien avec vous, car il pourrait causer des dégâts dans la faune locale (sangliers, chèvres...), ou être lui-même la victime d'un cochon sauvage. A moins bien sûr que vous ne soyez chasseur... Enfin, une attention toute particulière doit être portée à la flore locale, qui est souvent endémique et donc très rare. Ce qui veut dire que mis à part pour se frailler un chemin, l'usage du "coupe-coupe" est à proscrire... Ne coupez pas inutilement les plantes ou les arbres que vous ne connaissez pas, et ne ramenez rien avec vous "pour faire joli" deux jours dans un vase, ou en vue d'un repiquage... Par contre emmenez donc avec vous votre appareil photo, cela vaut la peine... Et ne cause aucun préjudice au milieu naturel ! Je vous invite en outre à vous informer sur la flore et en particulier sur les "plantes envahissantes introduites" qui menacent la biodiversité des plantes indigènes et endémiques. Ainsi, si vous avez envie de vous exciter sur un (ou plusieurs !) miconia(s), vous avez ma bénédiction !!!

Après toutes ces recommandations d'usage, il ne me reste plus qu'à vous souhaitez bon courage à l'attaque de ces superbes randonnées polynésiennes pleines d'efforts, de sérénité, d'images et d'aventures !

 

Pour aller plus loin sur le thème de réflexion "randonneurs, tourisme, aménagement du territoire et protection de l'environnement", je vous invite à lire cet article concernant l'île de Raiatea, issu d'un rapport pour le Service Territorial du Tourisme rédigé par Frédéric Jacq, Ingénieur Ecologue et Consultant en Aménagement Forestier :

 

Jacq F., juin 2005. Proposition d’itinéraires de randonnée sur le domaine de Faaroa. Service du Tourisme – Biodiversita, Polynésie française, 52 p. + annexe.

 

Voici également quelques photos prises sur des chemins de randonnée par Jean-Yves Meyer (Botaniste, Délégation à la Recherche, jean-yves.meyer@recherche.gov.pf)... Elles parlent d'elles-mêmes et illustrent ce qu'il ne faut pas faire. SVP, Ramenez vos déchets et évitez d'allumer des feux de forêt !!!

 

       

 

   

 

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